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UNIVERS LIVRES - Page 5

  • Avis sur Le Pays des Ténèbres de Stewart O' Nan

    stuart.JPGDécouvert presque par hasard (une bonne couverture bien mise en valeur par Jean-Luc le Ténia, bibliothécaire musicien de la bibliothèque du Mans), ce Pays des Ténèbres est une excellente surprise. Sixième livre traduit de Stewart O'Nan, romancier américain dont je ne connaissais rien, ce roman évoque par son thème l'atmosphère crépusculaire des Douglas Coupland pour ados : Hey Nostradamus et son décalque de la fameuse tuerie de Colombine et puis sûr Girlfriend In A Coma, dont il est, en un sens, une version dégradée.

    Ici, l'action se situe dans le Connecticut, autant dire nulle part, la nuit d'Halloween. L'histoire est élémentaire : cinq ados ont perdu la vie dans un accident de voiture il y a un an. Les circonstances de l'accident sont incertaines, mêlant un flic façon Stallone dans Copland, vaguement branque, un peu gros et looser, et les deux survivants du drame, Tim et Kyle. O' Nan réussit à tisser un roman à suspense à partir de rien : le soir d'Halloween, les fantômes des gamins morts sont présents, appelés par la mémoire des uns et des autres, et mettent leur pas dans ceux des vivants. Ils accompagnent les parents de Kyle qui tentent de survivre avec un enfant défiguré et mentalement handicapé. Des parents qui se débattent avec leur amour et le souvenir d'un gamin difficile, vendeur de shit et amateur de musique gothique. Les fantômes suivent Brook, le flic obsédé par ce qui s'est passé. Ils suivent aussi et surtout Tim, réchappé miraculeusement de la carcasse sans séquelles, et qui bien que brisé intérieurement, a pris Kyle sous son aile. Le jour des morts, les mondes se mêlent, se rapprochent et communiquent. Le souvenir du drame produit une fusion narrative qui fait tout l'intérêt de ce livre : les fantômes parlent, entre parenthèses, et uniquement au lecteur : ils commentent, ils rêvent, ils jugent, ils blaguent comme des personnages de Larry Clark soudain vieillis de mille ans. Le dehors devient le dedans et vice versa. On saura à la fin ce qui s'est réellement passé. Pour cela, il faudra qu'un autre drame se produise et que d'autres têtes tombent.

    Bizarremment, Le Pays des Ténèbres est une oeuvre solaire, presque gaie dans sa mélancolie. Le roman laisse à penser qu'en littérature comme dans la musique pop, les plus grandes réussites viennent de thèmes ou d'interrogations psychologiques qui prennent racine à l'adolescence. D'une certaine façon, la littérature pour être belle doit aussi être régressive. Cela vaut pour Roméo et Juliette, comme pour Crime et Châtiment. Penser qu'on sait tout du temps et de ce qu'il charrie à l'âge de 20 ans est une perspective réjouissante.

    Le Pays des Ténèbres de Stewart O' Nan, éditions L'Olivier 

  • chronique de Morsure Dan Nisand

    morsure.JPGLe premier roman de Dan Nisand aurait pu être une chouette entrée en matière si l'auteur n'avait, au fil de la centaine de pages de ce court roman, quelque peu perdu le fil de son idée. Au départ de l'ouvrage, une intuition sympathique donc : l'histoire d'un homme qui devient obsédé par l'idée de mordre. L'introduction est soignée (l'individu en question se propose de nous raconter ce qui lui est arrivé et qui s'annonce bien : il a redécouvert sa nature animale, et, croit-on, est passé pas loin de la folie). Le prof nous raconte son affaire où on s'attend donc à ce qu'un crescendo l'amène à un peu plus de sauvagerie et de bestialité chaque fois.

    On l'imagine déjà en train de mordre une nana, un flic, un élève : perspective plutôt réjouissante si Dan Nisand n'avait choisi finalement d'écrire sur tout autre chose.


    Le héros nous raconte bien comment il se met à mordre tout ce qui tombe sous ses machoîres dans sa propre chambre et à déchiqueter avec avidité le contenu de son réfrigérateur (pas de scène de dévoration de viande rouge) mais délaisse assez vite cette veine amusante pour raconter la fascination du héros pour un jeune prolo qui habite son immeuble et se balade avec un énorme chien d'attaque.

    Le Mâtin de Jimmy (ce genre de gros chien méchant) devient alors le support d'une symbolique et lourdaude admiration pour la spontanéité et la brutalité putative des êtres sans éducation. Nos scènes espérées de renversement de l'ordre social par la morsure se terminent en journées passées dans l'herbe à partager façon homoérotique le culte du gros chien et de sa puissance. Si Nisand réussit à nous surprendre par une fin effrayante et astucieuse (je ne la raconte pas), ce Morsure restera, pour nous, l'illustration qu'il faut en littérature, comme ailleurs, S'EN TENIR A SON SUJET.

    Cette sorte de roman-nouvelle ne peut s'accommoder de digressions ou de détours en dehors du programme annoncé, sous peine de ne pouvoir récupérer suffisamment de percussion littéraire pour nous convaincre qu'elles ont rempli leurs engagements. S'agissant d'un premier roman, Nisand est partiellement excusable. Morsure témoigne d'une belle imagination, même si le style (je n'en ai pas parlé) est parfois un peu affecté (mais il s'agit du récit d'un prof après tout). On suivra néanmoins ses prochaines publications avec attention.

  • Polar : Une tombe accueillante de Michael KORYTA

    Michael KORYTA est présenté comme un petit génie des polars qui, à peine passé la vingtaine, écrit déjà des best-sellers outre atlantique. Il est adoubé par Connelly ce qui semble être une garantie de qualité.
    Je me suis donc attaqué à son dernier ouvrage, "Une tombe accueillante" pour voir si sa réputation n'était pas usurpée.


    tombe.JPGOn y retrouve Lincoln Perry, détective et patron d'une salle de sport, qui doit faire face à l'assassinat d'un avocat, Alex Jefferson, qui a la particularité d'être un ancien rival amoureux de Perry.
    Ce dernier ne serait pas soupçonné s'il n'avait la mauvaise idée d'accepter, à la demande de la veuve - qui est aussi son ancienne petite amie - de rechercher le fils de l'avocat.
    A ce stade, KORYTA nous annonce une histoire familiale bien compliquée et on se doute que la situation va s'aggraver.


    Là ou est le talent de KORYTA est qu'il ne nous laisse pas un instant de répit. En effet, Perry retrouve rapidement Alex, le fil de Jefferson. Mais ce dernier se suicide sous ses yeux.
    On devine alors que c'est là que KORYTA souhaitait nous amener, que ce qui précédait n'était qu'une introduction et que la véritable histoire commence ici.
    "Une tombe accueillante" devient une course contre la montre avec d'un côté la police qui souhaite arrêter Perry et de l'autre un mystérieux tueur que pourchasse le détective.
    Cette double recherche ne fait que renforcer le rythme de l'ouvrage qui est trépident et ne laisse au lecteur que peu de répit.


    Les multiples rebondissements sont une des principales qualité de ce livre. Si vous n'aimez pas les romans des auteurs du nord de l'Europe (Mankell par exemple), si vous aimez les romans nerveux, aux paragraphes courts et où il se passe toujours quelques chose, vous adorerez ce livre.
    N'allez pas croire pour autant que KORYTA délaisse l'intrigue au profit de l'action. Le dénouement est intéressant et ne se laisse entrevoir qu'à la fin. Une autre bonne raison de lire ce livre.
    Un seul bémol tout de même, le facilité que s'est accordée KORYTA d'ajouter un personnage issu de la mafia, Thor, qui consent à l'aider un peu facilement et arrive bien à propos à un moment fatidique. C'est dommage car ce joker un peu facile n'apporte rien à l'histoire. Au contraire, elle lui fait perdre légèrement en suspense et en densité.
    Toutefois, je je vous conseille vivement ce livre pour la rentrée.

  • Roman Historique – Du domaine des murmures de Carole Martinez

    muirmures.JPGC’est le premier livre de l’auteur que je lis parce que j’avais très envie de le découvrir et que la quatrième de couverture m’avait vraiment emballé. J’y ai découvert une histoire vraiment originale, qui sort des sentiers battus et qui m’a transporté tout au long de ma lecture.

    Esclarmonde, le personnage principal, est ici la narratrice et nous conte son histoire, son drame avec beaucoup de poésie. C’est une histoire qui mélange à la fois la religion, l’amour, le drame et un côté historique qui m’a beaucoup plu et qui en a fait une lecture vraiment passionnante et envoûtante. Les personnages sont certes nombreux mais tous ont leur rôle à jouer et aucun ne laisse indifférents. Grâce à Esclarmonde, ils vont tous évoluer de façon plus ou moins positive et j’ai vraiment aimé les suivre pas à pas, voir leur réactions et leurs changements.

    Le côté religieux n’était pas lourd et ennuyeux au contraire, il m’a beaucoup plu et ajoutait un petit plus à l’histoire. Ce livre à comme je l’ai dit plus haut, un petit côté historique, médiéval qui m’a séduite puisque j’arrivais vraiment bien à m’imaginer le décor, l’environnement, etc… Le style de l’auteur est fluide et elle nous tient en haleine jusqu’au bout avec une intrigue à la fois dramatique et magnifique qui a su me conquérir. Le langage qu’elle emploi est très élégant et est vraiment en accord avec le thème du livre.

    J’ai beaucoup aimé le lire mais ce ne sera pas un coup de coeur pour moi parce que je trouve qu’il manquait un petit quelque chose pour me faire vibrer mais c’est tout de même une superbe découverte !

     

     

     

     

     

  • Au début des années 80, de Virginie Coedelo

    80.JPGJe n'ai pas l'habitude de lire des histoires sentimentales mais j'ai été ravie de faire une exception pour Au début des années 80. Ayant interviewé l'auteure dans le cadre de l'émission de radio sur Prun', j'ai pu découvrir l'histoire de Jeanne et de Anne, une mère et sa fille. Je la remercie pour sa gentillesse et pour m'avoir permis de lire son livre.

    Ce roman raconte une histoire de famille, car les deux personnages au centre du livre sont Anne, une maman malade qui se sait condamnée et sa fille, Jeanne, une jeune professeur qui vit des moments difficiles suite à sa rupture avec Antoine. L'histoire se déroule pendant les vacances de Noel. C'est donc dans une ambiance assez particulière et assez triste que débute le roman. Philippe, l'amour de jeunesse de Anne, tout juste divorcé, décide de reprendre contact avec Anne. Il va donc faire la connaissance de Jeanne et va découvrir que Anne est mourante. A partir de là, le lecteur est confronté aux vérités cachées de cette famille. Jeanne veut protéger sa mère et Anne veut protéger sa fille. Elles se cachent toutes les deux des vérités importantes.

    Le style de l'auteure est vraiment agréable. Je dois quand même avouer que j'ai eu quelques difficultés à m'adapter au changement de narrateur, car on passe très facilement du "je" au "il". C'est assez déconcertant au début de la lecture. Mais rassurez-vous, une fois que l'on a adapté le style de l'auteure, on ne peut tout simplement plus s'en passer. On lit ce livre avec une telle facilité, qu'on arrive à la fin sans même s'en rendre compte.

    Le livre est beaucoup dans l'émotion. C'est un très beau livre, qui explicite les relations entre mères et filles. L'auteure a voulu montré que les relations mères filles, bien que parfois fusionnelles, ne sont pas si simples que cela.  J'ai trouvé la fin vraiment inattendue. La chute finale donne un peu de suspense pour un genre littéraire qui ne s'y prête pas forcément. Cela apporte un petit plus au roman.

    Au début des années 80 est un très beau livre que je conseille aux amateurs du genre, ainsi qu'aux mamans et à leurs filles. Les relations parents-enfants ainsi que les amours de jeunesse sont très bien décrits. Vous passerez un bon moment lecture !



  • Les dernières volontés de sir Hawkins de Jesús del CAMPO

    Suite de la chronique sur Les dernières volontés de sir Hawkins de Jesús del CAMPO

    sir.JPGLa deuxième partie est placée sous le signe de l’amour et le lien avec le fil narratif est le temps, ce temps qui dévore les sentiments en éloignant les uns des autres ceux qui s’aiment. Mais source du mal, le temps en est aussi le remède : « Et la vie suivit son cours, sans la moindre intention de m’attendre. », affirme le narrateur. Sir Hawkins se console de la perte de ce qu’il considère comme son grand amour dans l’ivresse de « petites amourettes » jusqu’à commettre plusieurs impairs qui lui font comprendre qu’il a encore beaucoup à apprendre de ce sentiment qui le ronge. Mais le temps n’est pas le seul remède au mal d’amour, il y a aussi le voyage, comme celui qu’entreprend une jeune aristocrate bourguignonne dont le fiancé a été tué lors d’une révolte d’esclaves en Martinique. Puis il arrive un moment où Béatrice-Charlotte Beaumont de Faubourg comprend que pleurer un être mort, aussi cher fût-il, n’est rien au regard d’aimer les vivants. Et elle fait part de ses réflexions à son hôte… C’est ainsi que la boucle est bouclée et que l’amour devient une des formes d’apprentissage de vie, tout comme la lecture, tout comme ces récits que les hôtes continuent de se raconter pour essayer de comprendre le monde qui les entoure, ce monde en mue de la fin du XVIIIe siècle.

    L’amour reste présent dans la troisième partie puisque, n’est-ce pas, apprendre à vivre est aussi important que d’apprendre à aimer. Toutefois, dans cette dernière partie, domine un sentiment de vide, ou plutôt une certaine forme de détachement. Tout d’abord, l’auberge va peu à peu se vider de ses hôtes, et seul Geoffrey Anderson restera, même s’il finira par partir lui aussi, à sa manière. En fait, dans cette dernière partie de ses mémoires, sir Hawkins saisit lentement le but caché de ces histoires racontées et ajoutées ainsi au patrimoine commun de l’humanité – n’oublie pas lecteur que, grâce à ces mémoires, ces histoires traversent le temps pour arriver jusqu’à toi. Elles participent de la transmission d’un secret, d’une « formule secrète », et procurent à sir Hawkins – et donc à toi aussi, lecteur – « la sensation que le mystère est une science déchiffrable ». Et pour comprendre en quoi réside cette formule, il faut lire le livre.

    La prose de sir Hawkins est riche, en clair-obscur. Elle fouille les mots et les phrases comme les histoires racontées fouillent l’âme humaine. C’est aussi une prose contemplative et picturale qui laisse une immense place au rêve : « Ici, l’activité primordiale est simplement d’être, comme si la contemplation de ce qui nous entoure était une activité en soi, et plus intense que les autres. Comme si le paysage qui nous entoure avait besoin de nous pour être complet, et nous de lui ». Et c’est tout le mérite de l’auteur d’avoir su faire revivre cette prose dix-huitiémiste dont l’ironie - ici teintée d’humour anglais, et donc double puisque c’est un Espagnol qui écrit - n’est pas le moindre attrait.

    Quant à ces aventures que sir Hawkins a vécues dans son adolescence et qu’il affirme à plusieurs reprises vouloir oublier - que c’est étrange, cela rappelle un certain village de la Manche qui provoqua en son temps un identique désir d’amnésie ; curieuse chose que le souvenir -, faites appel à vos réminiscences de lecture d’enfant.

    Les dernières volontés de sir Hawkins de Jesús del CAMPO, José Corti, 2005 (2002 pour l’édition originale), 225 pages

  • Christian Pringent : A quoi bon encore des poètes ?

    poetes.JPGUne question légitime, en ce XXIème siècle : existe-t-il encore des poètes, héritiers d’un Baudelaire ou d’un Mallarmé ? si oui, la poésie a-t-elle encore un rôle ? A quoi sert-elle donc ?

    Loin de faire un éloge seul de l’art littéraire, l’auteur expose ici sa vision des choses. Et cela commence fort « comme tout monde humain, mais plus qu’aucun autre peut-être, notre monde est un monde en manque de sens. La demande de sens y est donc d’autant plus acharnée. » Et, par quoi passerait donc cette sens-ibilité ? La poésie, en tentant de « trouver une langue » est le pilier de cette quête, mais n’amène pas forcément au sens, plutôt à la Vérité. Par ses formes, sa rhétorique, son style, elle est un condensé « d’in-signifiance », soit parce que l’éclatement des formes contemporaines renvoie à l’implosion de notre monde humain (manque de stabilité, de repères) et donc que la poésie prend forme dans l’informe (« le reflet esthétisé de cette chute [du monde] en sa déclinaison lisible »), soit parce que la poésie saisit le présent, par définition flou, incertain ; qu’il faut symboliser : la poésie prend donc ici toute sa consistance.

    Pour finir, Christian Pringent rappelle qu’« en France, on aime beaucoup la poésie qu’on ne lit pas. Comme on n’en lit presque pas, l’amour est immense ». Un appel à découvrir cet art, qui menaçant de disparaître à chaque instant, ne cesse de renaître sous des formes nouvelles.


    Christian Pringent A quoi bon encore des poètes ? P.O.L 1996, 55 pages