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UNIVERS LIVRES - Page 4

  • « La belle amour humaine » et « Yanvalou pour Charlie », par Lyonel Trouillot

    trouillot.JPGDans son magnifique Yanvalou pour Charlie (disponible aujourd'hui en collection Babel), un brillant avocat Haïtien, Mathurin, se trouve plongé dans une aventure au sein de la pauvreté et de la délinquance, au parfum d'un passé qu'il espérait oublier à jamais. Mathurin y retrouve sa haine enfouie pour le milieu qu'il incarne lui-même aujourd'hui.

    Lyonel Trouillot, avec La belle amour humaine, confirme son engagement social.

    Il dénonce, une fois de plus, la morgue des dominants, l'égoïsme d'une société régie par le chacun pour soi où nuances de couleurs de peau et de classes sociales forment des combinaisons d'injustice complexes. Mais La belle amour humaine est aussi un chant d'espoir, une invite aux valeurs de partage, d'amour, d'hospitalité et de respect. Et le tout servi par une plume magnifique et poétique.

    Le récit se déroule à bord d'un taxi, dans lequel Anaïse, une jeune Européenne, se fait conduire à Anse-à-Fôleur, petit village côtier de Haïti, dans lequel a péri son grand-père, un décès qui a des allures de règlement de comptes. Thomas, son chauffeur, tente de l'éclairer sur la personnalité de son grand-père et des circonstances jamais élucidées de sa mort.

    « La belle amour humaine », Actes Sud, 169 p. et « Yanvalou pour Charlie », Actes Sud, 174 p., par Lyonel Trouillot.

  • Le journal d’un fou – Nicolas Gogol

    Dans Le journal d’un fou, il est question d’un homme, Poprichtchine, un fonctionnaire plutôt… original. Amoureux de la fille de son chef, il délire sur leur vie de couple. Le discours qu’il tient dans son journal est incohérent. Il est fou. Victime d’hallucinations – il surprend la conversation de deux chiens et arrive même à intercepter les lettres qu’ils s’envoient -, le pauvre Poprichtchine vit dans un monde complètement barjo, dans lequel il finit par se prendre pour Ferdinand VIII, Roi d’Espagne.

    Le trait principal de cette petite nouvelle est l’humour, qui est omniprésent. Le lecteur se plait à lire les écrits de ce fou qui se prend pour ce qu’il n’est pas. La plume de Gogol est légère et très douée pour amuser le lecteur.

    Les deux autres nouvelles, Le portrait et La perspective Nevski, sont très différentes. Dans la première, Tchartkov, un peintre inconnu, décide d’acheter avec ses dernières économies un portrait dont les yeux dessinés le fascinent. Or, ce portrait va prendre une importance démesurée dans la vie du jeune homme et va l’influencer dans ses travaux.  Connaissant tour à tour succès, richesse et déchéance, le peintre va prendre conscience du rôle du tableau dans sa vie.

    La perspective Nevski, quant à elle, se concentre sur la rue du même nom, artère principale de la ville de St Petersbourg. Critique de la vie citadine, la description générale faite de cette avenue se focalise ensuite sur deux hommes, Piskariov et Pirogov, respectivement peintre et lieutenant, à qui le sort ne va pas réserver que du bon…

    N’hésitez pas à découvrir Gogol par ces trois petits nouvelles bien sympathiques, qui m’ont fait passer un bon moment, dans un univers russe que je ne connaissais pas du tout.

    Le journal d’un fou (suivi de Le portrait et La perspective Nevski), de Nicolas Gogol, éditions Librio 2€, 120 pages

  • Avis sur Michel Houellebecq : Les Particules élémentaires

    les-particules-elementaires.JPGQuatre ans après Extension du domaine de la lutte, un roman au titre paradoxal qui n’a cessé depuis sa parution d’étendre son influence, Michel Houellebecq publie un deuxième roman aussi ambitieux et impressionnant que problématique. On y trouve des perspectives idéologiques irrecevables, mais aussi un constat implacable de notre fin de siècle, souvent hilarant et toujours sordide, qui vient heurter de plein fouet le sage ordonnancement des fictions ordinaires.

     

    C’est un fait : les Particules élémentaires contraint à la distance; il interdit par sa dimension idéologique de s’en tenir à la lecture romanesque et émouvante qu’il appelle pourtant de toutes ses lignes. Plus exactement, on ne peut pas se contenter, pour en goûter la force romanesque indéniable, de renvoyer au rayon des fantasmes inoffensifs les perspectives déterministes que dessine le roman en s’appuyant tant sur le positivisme d’Auguste Comte que sur une approche très documentée des sciences physiques et de la biologie moléculaire (ce par quoi il se place dans une filiation revendiquée avec le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley et les travaux de son frère Julian, éminent biologiste qui prônait le contrôle génétique dans son essai Ce que j’ose penser, publié en 1931). Non seulement la force du roman est inséparable de ce matériau idéologique (ce que l’on va montrer), mais de plus ce matériau est inévitablement contaminé par le discours provocateur que l’auteur peut tenir par ailleurs: ainsi lorsqu’il défendait au printemps, une nouvelle forme d’eugénisme dans la postface à la réédition du Scum Manifeste de Valérie Solanas (1).

     

    Evidemment, tout cela serait plus facile à régler si le roman était quelconque. Il se trouve que les Particules élémentaires ne l’est assurément pas, fort d’une capacité jubilatoire de mettre à nu quelques ressorts obscurs mais implacables de la souffrance des individus enfermés en eux-mêmes dans un "monde comme supermarché et comme dérision", pour citer l’un des textes théoriques rassemblés dans le recueil Interventions, qui paraît en même temps que le roman et dont la première phrase donne le ton: "Isomorphe à l’homme, le roman devrait pouvoir tout en contenir". En effet, les Particules élémentaires est porté par une ambition exceptionnelle: dire le réel, ou en tout cas la réalité contemporaine, au moyen d’une œuvre dépassant les frontières pour mêler, dans une filiation revendiquée avec le Thomas Mann de la Montagne magique, la fiction, la théorie et la poésie. Houellebecq s’est également mis à l’école de Balzac, qui voulait que le roman "indique les désastres produits par les changements des mœurs", et cette formule met le doigt sur l’une des limites des Particules élémentaires: en cantonnant la dimension historique de son analyse à la génération précédant ses personnages, Houellebecq provoque l’impression que les années 60 et les mouvements hippies ou libertaires sont seuls responsables du désarroi contemporain, qui n’aurait donc aucun rapport direct avec les tragédies historiques de ce siècle…

     

    "Ne vous sentez pas obligé d’inventer une forme neuve. Les formes neuves sont rares. Une par siècle, c’est déjà bien", notait Houellebecq dans son premier livre.Rester vivant, génialement sous-titré "méthode", quand il s’agissait d’expliquer comment survivre en poésie (on y lisait également: "Toute société a ses points de moindre résistance, ses plaies. Mettez le doigt sur la plaie, et appuyez bien fort (…). Insistez sur la maladie, l’agonie, la laideur. Parlez de la mort, et de l’oubli. De la jalousie, de l’indifférence, de la frustration, de l’absence d’amour. Soyez abjects, vous serez vrais". On ne saurait mieux présenter les Particules élémentaires). Ce n’est pas le moindre paradoxe de ce roman que d’être construit à la manière des romans à thèse de la première moitié du siècle pour tenter de dire les bouleversements métaphysiques inévitables où conduit la science contemporaine (les Particules élémentaires doit en effet son titre à une volonté de caractériser ainsi les personnages comme des particules obéissant à des lois qui les dépassent, mais aussi au débat ontologique que provoquent certains scientifiques persuadés qu’il faut désormais renoncer au concept de particule).

     

    Le roman superpose de chapitre en chapitre les biographies de deux frères quadragénaires qu’a priori tout sépare, mais qui sont les deux faces d’une même médaille fondue dans la frustration contemporaine, clairement attribuée à l’état de séparation consubtantiel à la condition de l’homme occidental, mais que l’absence de religion rendrait, selon Houellebecq, moins supportable que jamais.

  • avis sur le livre : De sang-froid – Truman Capote

    de-sang-frois-truman.JPGDe sang-froid, selon les dires de certains analystes littéraires, serait l’œuvre ultime de Capote à cause, notamment, du travail qu’il s’est acharné à produire pendant six ans pour écrire cette masterpiece.

    L’objectif de Capote, à partir des années 50, est d’écrire un non-roman – « nonfiction novel ». De sang-froid est ce livre. En 1959, Capote tombe sur un article d’un journal relatant le quadruple assassinat d’une famille de fermiers au Kansas et décide d’en faire son histoire. Cinq années de recherche suivirent, pendant lesquelles Capote devint très proche des deux meurtriers. Il parla aux habitants de la bourgade de Holcomb, où s’est déroulé le drame, il suivit l’enquête policière et le procès des jeunes hommes jusqu’à leur exécution par pendaison en 1965.

    En 1959, donc, quatre des six membres de la famille Clutter – le père, la mère et deux de leurs enfants – sont sauvagement assassinés chez eux. Dès le début de l’histoire, le lecteur connait le nom des deux meurtriers, Richard Eugene Hickock – « Dick » – et Perry Edward Smith. On assiste alors à deux histoires en parallèle : celle des jeunes hommes qui partent un temps au Mexique, et celle de la police du comté, qui enquête sur l’affaire. Les histoires vont bien évidemment se rejoindre lorsque les assassins seront appréhendés à Las Vegas.

    Selon Capote, chaque mot du livre est vrai. Il n’apparait jamais dans le livre car il croyait que la clé du journalisme était de rendre l’auteur invisible. Et cela fonctionne parfaitement bien ainsi. Le livre est un bijou de journalisme. Il dissèque les faits avec une précision incroyable et n’omet pas un seul point qui pourrait laisser le lecteur dans l’incompréhension. De la description de la scène de crime, en passant par le voyage des deux meurtriers avant leur arrestation et par l’enquête policière, tout est raconté de manière concise. Aucun détail n’est superflu.

    Là où Capote a également excellé, c’est dans la profondeur qu’il a donnée aux personnages sans jamais tomber dans l’émotion. Le lecteur aurait presque la gorge nouée à la fin, tant il a pitié des meurtriers par le seul fait de leur passé douloureux, qui devait forcément les conduire dans la mauvaise direction.

    Le livre est un cinglant portrait de cette Amérique des années 60, où la peine de mort était (et est toujours d’ailleurs, dans certains États) la solution aux horreurs commises et où le milieu dans lequel on naissait était celui dans lequel on mourrait.

    C’est un très grand (non)roman, que je conseille à tous tant le travail de recherche, d’analyse et d’écriture de l’écrivain est parfait. On dit de Capote qu’il s’est usé à écrire ce livre. Oui mais, quel livre !

     

  • Avis sur Le Pays des Ténèbres de Stewart O' Nan

    stuart.JPGDécouvert presque par hasard (une bonne couverture bien mise en valeur par Jean-Luc le Ténia, bibliothécaire musicien de la bibliothèque du Mans), ce Pays des Ténèbres est une excellente surprise. Sixième livre traduit de Stewart O'Nan, romancier américain dont je ne connaissais rien, ce roman évoque par son thème l'atmosphère crépusculaire des Douglas Coupland pour ados : Hey Nostradamus et son décalque de la fameuse tuerie de Colombine et puis sûr Girlfriend In A Coma, dont il est, en un sens, une version dégradée.

    Ici, l'action se situe dans le Connecticut, autant dire nulle part, la nuit d'Halloween. L'histoire est élémentaire : cinq ados ont perdu la vie dans un accident de voiture il y a un an. Les circonstances de l'accident sont incertaines, mêlant un flic façon Stallone dans Copland, vaguement branque, un peu gros et looser, et les deux survivants du drame, Tim et Kyle. O' Nan réussit à tisser un roman à suspense à partir de rien : le soir d'Halloween, les fantômes des gamins morts sont présents, appelés par la mémoire des uns et des autres, et mettent leur pas dans ceux des vivants. Ils accompagnent les parents de Kyle qui tentent de survivre avec un enfant défiguré et mentalement handicapé. Des parents qui se débattent avec leur amour et le souvenir d'un gamin difficile, vendeur de shit et amateur de musique gothique. Les fantômes suivent Brook, le flic obsédé par ce qui s'est passé. Ils suivent aussi et surtout Tim, réchappé miraculeusement de la carcasse sans séquelles, et qui bien que brisé intérieurement, a pris Kyle sous son aile. Le jour des morts, les mondes se mêlent, se rapprochent et communiquent. Le souvenir du drame produit une fusion narrative qui fait tout l'intérêt de ce livre : les fantômes parlent, entre parenthèses, et uniquement au lecteur : ils commentent, ils rêvent, ils jugent, ils blaguent comme des personnages de Larry Clark soudain vieillis de mille ans. Le dehors devient le dedans et vice versa. On saura à la fin ce qui s'est réellement passé. Pour cela, il faudra qu'un autre drame se produise et que d'autres têtes tombent.

    Bizarremment, Le Pays des Ténèbres est une oeuvre solaire, presque gaie dans sa mélancolie. Le roman laisse à penser qu'en littérature comme dans la musique pop, les plus grandes réussites viennent de thèmes ou d'interrogations psychologiques qui prennent racine à l'adolescence. D'une certaine façon, la littérature pour être belle doit aussi être régressive. Cela vaut pour Roméo et Juliette, comme pour Crime et Châtiment. Penser qu'on sait tout du temps et de ce qu'il charrie à l'âge de 20 ans est une perspective réjouissante.

    Le Pays des Ténèbres de Stewart O' Nan, éditions L'Olivier 

  • chronique de Morsure Dan Nisand

    morsure.JPGLe premier roman de Dan Nisand aurait pu être une chouette entrée en matière si l'auteur n'avait, au fil de la centaine de pages de ce court roman, quelque peu perdu le fil de son idée. Au départ de l'ouvrage, une intuition sympathique donc : l'histoire d'un homme qui devient obsédé par l'idée de mordre. L'introduction est soignée (l'individu en question se propose de nous raconter ce qui lui est arrivé et qui s'annonce bien : il a redécouvert sa nature animale, et, croit-on, est passé pas loin de la folie). Le prof nous raconte son affaire où on s'attend donc à ce qu'un crescendo l'amène à un peu plus de sauvagerie et de bestialité chaque fois.

    On l'imagine déjà en train de mordre une nana, un flic, un élève : perspective plutôt réjouissante si Dan Nisand n'avait choisi finalement d'écrire sur tout autre chose.


    Le héros nous raconte bien comment il se met à mordre tout ce qui tombe sous ses machoîres dans sa propre chambre et à déchiqueter avec avidité le contenu de son réfrigérateur (pas de scène de dévoration de viande rouge) mais délaisse assez vite cette veine amusante pour raconter la fascination du héros pour un jeune prolo qui habite son immeuble et se balade avec un énorme chien d'attaque.

    Le Mâtin de Jimmy (ce genre de gros chien méchant) devient alors le support d'une symbolique et lourdaude admiration pour la spontanéité et la brutalité putative des êtres sans éducation. Nos scènes espérées de renversement de l'ordre social par la morsure se terminent en journées passées dans l'herbe à partager façon homoérotique le culte du gros chien et de sa puissance. Si Nisand réussit à nous surprendre par une fin effrayante et astucieuse (je ne la raconte pas), ce Morsure restera, pour nous, l'illustration qu'il faut en littérature, comme ailleurs, S'EN TENIR A SON SUJET.

    Cette sorte de roman-nouvelle ne peut s'accommoder de digressions ou de détours en dehors du programme annoncé, sous peine de ne pouvoir récupérer suffisamment de percussion littéraire pour nous convaincre qu'elles ont rempli leurs engagements. S'agissant d'un premier roman, Nisand est partiellement excusable. Morsure témoigne d'une belle imagination, même si le style (je n'en ai pas parlé) est parfois un peu affecté (mais il s'agit du récit d'un prof après tout). On suivra néanmoins ses prochaines publications avec attention.

  • Polar : Une tombe accueillante de Michael KORYTA

    Michael KORYTA est présenté comme un petit génie des polars qui, à peine passé la vingtaine, écrit déjà des best-sellers outre atlantique. Il est adoubé par Connelly ce qui semble être une garantie de qualité.
    Je me suis donc attaqué à son dernier ouvrage, "Une tombe accueillante" pour voir si sa réputation n'était pas usurpée.


    tombe.JPGOn y retrouve Lincoln Perry, détective et patron d'une salle de sport, qui doit faire face à l'assassinat d'un avocat, Alex Jefferson, qui a la particularité d'être un ancien rival amoureux de Perry.
    Ce dernier ne serait pas soupçonné s'il n'avait la mauvaise idée d'accepter, à la demande de la veuve - qui est aussi son ancienne petite amie - de rechercher le fils de l'avocat.
    A ce stade, KORYTA nous annonce une histoire familiale bien compliquée et on se doute que la situation va s'aggraver.


    Là ou est le talent de KORYTA est qu'il ne nous laisse pas un instant de répit. En effet, Perry retrouve rapidement Alex, le fil de Jefferson. Mais ce dernier se suicide sous ses yeux.
    On devine alors que c'est là que KORYTA souhaitait nous amener, que ce qui précédait n'était qu'une introduction et que la véritable histoire commence ici.
    "Une tombe accueillante" devient une course contre la montre avec d'un côté la police qui souhaite arrêter Perry et de l'autre un mystérieux tueur que pourchasse le détective.
    Cette double recherche ne fait que renforcer le rythme de l'ouvrage qui est trépident et ne laisse au lecteur que peu de répit.


    Les multiples rebondissements sont une des principales qualité de ce livre. Si vous n'aimez pas les romans des auteurs du nord de l'Europe (Mankell par exemple), si vous aimez les romans nerveux, aux paragraphes courts et où il se passe toujours quelques chose, vous adorerez ce livre.
    N'allez pas croire pour autant que KORYTA délaisse l'intrigue au profit de l'action. Le dénouement est intéressant et ne se laisse entrevoir qu'à la fin. Une autre bonne raison de lire ce livre.
    Un seul bémol tout de même, le facilité que s'est accordée KORYTA d'ajouter un personnage issu de la mafia, Thor, qui consent à l'aider un peu facilement et arrive bien à propos à un moment fatidique. C'est dommage car ce joker un peu facile n'apporte rien à l'histoire. Au contraire, elle lui fait perdre légèrement en suspense et en densité.
    Toutefois, je je vous conseille vivement ce livre pour la rentrée.