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Lire David Lodge : La Vie en sourdine

David Lodge  La Vie en sourdine.JPGLe plus caustique des britanniques offre à cette rentrée littéraire une bouffée d’oxygène. Acerbe, drôle, piquant, La Vie en sourdine de David Lodge est une autobiographie à peine masquée.

 

Tout juste retraité, cet ancien professeur de linguistique tue le temps comme il peut, entre la lecture du Guardian, les occupations mondaines de sa femme, devenue propriétaire d'un magasin de déco très en vogue, et ses visites chez son père qui vit isolé dans une banlieue Londonienne. Au cours d'un vernissage mondain très bruyant, Alex Loom, une étudiante américaine extravagante profite de quiproquos et de malentendus pour lui faire prendre en charge sa thèse, elle aussi saugrenue.

La mécanique du rire

16 ans après la parution d'Un tout petit Monde, qui l'avait fait connaître du grand public, la fougue de Lodge est intacte. Celle qu' Umberto Eco qualifiait avec justesse de « picaresque académique » : « Outre qu'il amuse, Lodge est méchant. Je crois que c'est l'un des hommes les plus méchants qui existent. En fin de compte, il dit du mal (mais avec quel délice) du monde dans lequel il vit ». Le titre original, Deaf sentence, jeu de mot entre deaf (sourd) et death (mort), ne déroge pas à la règle.

Une étudiante psychopathe et sado maso à ses heures, un vieillard rabougri, radin et sourd comme un pot, une belle-mère catho antipathique, un couple qui refuse de vieillir : Lodge force le trait de ses personnages, mais vise juste. La mécanique du rire, bien huilée, s'accompagne d'une analyse impitoyable du monde qui l'entoure avec, toujours ses ingrédients fétiches : jeux de mots, d'esprit, comique de situation, sans oublier la petite touche d'érotisme. Lodge renoue avec ce monde universitaire qu'il connaît bien. Son narrateur pratique avec fierté une démonstration de linguistique dès que l'occasion se présente, dans les réceptions mondaines ou lors de ses étonnants cours de « lecture labiale ». Lui, qui n'entend jamais les réponses, picole et contre-attaque : intarissable, il saute à la gorge de son interlocuteur, incapable d'en placer une.

"Je" grinçant

La Vie en sourdine est un condensé d'épisodes satiriques. Si le protagoniste rend visite à son père dans sa maison étriquée et miteuse de Brickley, la plus ancienne banlieue de Londres, (qui n'est pas sans rappeler Rummidge, la ville imaginée par Lodge dans sa fameuse trilogie du même nom) c'est pour mieux creuser le fossé avec la sienne, située dans le Nord de la ville et rénovée avec goût. Ce « Gladworld », ou « la douce prison », dans laquelle le couple passe le week-end de Boxing Day n'est autre qu'une description piquante de Center Parcs !

Usant tantôt de la première personne, tantôt de la troisème, Lodge a choisi la forme du journal intime pour raconter ses aventures. Aventures qui se dévorent d'un trait, tant le style est limpide. L'arme du comique n'est pas une surprise. En revanche, Lodge s'illustre ici dans un autre registre. Sans sombrer dans le pathos, il décrit le temps qui passe : la remise en cause, passée la cinquantaine, la mort de son père. Mais en attendant, la fin reste à écrire. Le héros Desmond, lui, l'entend bien de cette oreille !

David Lodge, La Vie en sourdine, Rivages, septembre 2008.

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