Si dans son précédent récit, Vers l’ouest, Mahigan Lepage entremêlait déplacements et projections spatio-temporels ainsi que réflexions et rencontres à travers un formidable road-movie dans les terres canadiennes (lire la chronique ici-même), cette fois, avec La science des lichens, il nous convie à d’autres « déplacements », à d’autres boucles tout en jouant avec les lignes et leurs croisements.
Premier déplacement, premier niveau, premier étage : un espace clos, le train du RER B parisien, dans lequel le narrateur se met à dérouler une longue et unique phrase ébouriffante. Ce narrateur, un québécois à Paris (autre déplacement), a cru faire un voyage (toujours cette même phrase de Nicolas Bouvier qui revient mais elle colle si bien ici) et c’est le voyage qui l’a défait : le Népal d’abord (lire à ce propos Carnet du Népal), le Maroc ensuite mais on n’oubliera pas non plus son errance dans la vieille Europe.
Toutes ces strates ne sont possibles que parce que Mahigan Lepage regarde avec singularité ce qu’il traverse (les paysages, le temps, l’autre, les territoires…) mais surtout parce qu’il porte en lui une langue. Car ici (comme dans tout ce qu’il écrit d’ailleurs), c’est avant tout une voix qu’on entend – celles des grands. Qu’il soit question d’exotisme ou de lichénologie, de Descartes ou de livre de science, de la langue française, de Paris-Plage, du Jardin des Plantes, d’ennui, de chaleur, de duperie, c’est la phrase qui prime, son souffle, son rythme, sa musique.
Et celle-ci se déroule, vive, s’étend, malicieuse, prend son temps, mais sans jamais nous lâcher en route. Et moi je ne m’en lasse pas.