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  • On n'y voit rien de Daniel Arasse

    on.JPGOn n'y voit rien (Descriptions) est le titre d'un livre de Daniel Arasse, grand historien d'art malheureusement décédé il y a peu. J'aime beaucoup le genre de personnages qu'incarnait Arasse, esprit brillant et indépendant, un rien iconoclaste mais soutenu par une solide culture classique. Evidemment Arasse ne parle ni de cinéma ni de télévision puisqu'il décortique des tableaux de maîtres (Bruegel, Titien, Velasquez, etc.) mais il me semble qu'il y a des leçons à retenir dans sa façon de faire sortir l'étude iconographique de son ornière habituelle pour la catapulter du côté du récit littéraire.

    OJ (grâce à qui j'ai lu le bouquin) me faisait remarquer, à juste titre, que la manière s'accorderait à merveille à la critique DVD. Les tableaux qu'il analyse, Arasse en effet les connaît très bien et il s'attache à faire retour sur un détail ou une question générée par une oeuvre que la paresse intellectuelle, l'idée que la toile a livré tous ses secrets depuis longtemps empêchaient de mettre à jour. Il en est de même avec les films.

    Cette façon de creuser un coin oublié du tableau, Arasse la déploie en six chapitres, six nouvelles avec une particularité pour chacun : dialogue imaginaire entre deux personnes qui finit par construire une forme de discours dialectique, lettre à une femme, texte faussement trivial, adresse au lecteur, à un "vous", un "tu", un "il". Cette manière pédagogique et ludique, limpide sans jamais vulgariser l'objet de son étude est l'anti modèle éclatant d'une certaine tendance universitaire que j'ai toujours trouvée un peu pompeuse, souvent purement rhétorique, dans la critique de cinéma dite sérieuse où le jargon et une formulation alambiquée ont valeur de pensée. Arasse démontre de plus qu'on peut inventer de nouvelles formes, qu'elles sont la locomotive qui entraînera le lecteur chevronné ou néophyte dans les rondes vertigineuses de ses démonstrations.

    L'espièglerie avec laquelle il malmène parfois ses pères (Gombrich, Panofski par exemple) ou les spécialistes désaffectés est une invite à ne pas se comporter en dévot, à penser l'articulation entre culture classique et culture moderne, entre le contexte historique de l'oeuvre et l'interprétation libre de toute attache avec une vraie tonicité d'esprit.

    décomplexé, voilà le maître mot de cette lecture savante et jouissive...