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  • Le guépard, Giuseppe Tomasi di Lampesuda (1958)

    Traduit de l’italien par Fanette Pézard (Editions du Seuil 1959, Points-Seuil n° 260)

    Curieuse impression de lire l’adaptation romanesque du chef d’œuvre de Visconti, avec, comme disait ce vieux ronchon de Julien Gracq, -mais c’était à propos des adaptations cinématographiques des œuvres littéraires-, l’inconvénient des avantages lorsque ces adaptations sont particulièrement réussies : elles imposent à votre imaginaire une visualité des personnages et des actions dont on ne peut se défaire et qui corrompt à sa façon l’imaginaire purement (?) littéraire –ici, donc, cinématographiques, si vous arrivez à suivre mon raisonnement …-.


    guepard.JPGQuoi qu'il en soit, ici, ça marche dans tous les sens, la machine intérieure à images, le cinéma mental : sauf que, moi, plutôt que ceux de Burt Lancaster, c’est sous les traits de Marlon Brando que j'aurais bien vu le prince Fabrice (P. qui m’a offert ce livre m’a dit que Visconti lui-même avait pensé à Brando mais l’avait trouvé trop « ambigu »… Mais comment peut-on être trop ambigu ? Je suis un fanatique de l’ambiguïté…).

    La principale différence entre le roman (qui est magnifique, autant le dire tout de suite) et le film (qui est, lui, un pur chef d’œuvre et j’envie ceux –rares ou très jeunes- qui ne l’ont pas encore vu) c’est que la dimension métaphysique, c'est-à-dire en fait méta-historique et méta-géographique, c'est-à-dire au-delà de l’Italie et de la fin du vieux système féodal, c'est-à-dire le côté fin d’un monde et d’un système de représentation du monde, l’instant sublime et effroyable où les choses basculent est beaucoup plus net dans le film (exceptionnellement) que dans le roman qui est, lui, forcément, beaucoup plus « intéressé » par le côté nostalgique (le monde qui s’évanouit) et, d’une certaine façon psychologique et social, du fait de la personne même de l’auteur et de son rang.

    Mais ceci était peut-être aussi un peu vrai de Visconti. Enfin bref, c’est un livre absolument merveilleux et j’ordonne à tous ceux qui ne l’ont pas encore lu d’interrompre immédiatement toutes leurs lectures débiles de l’été pour s’y plonger.